Gentillesse au travail : faiblesse ou superpouvoir ?

11 août 2025
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On a longtemps glorifié les patrons aux mâchoires serrées, ceux qui claquent du poing sur la table et qui pensent que le respect se mesure au volume sonore et aux pics lancés à la face des autres. Dans ce décor, la gentillesse a été reléguée au rang de mièvrerie. Sympa pour les soirées entre amis, mais inadaptée aux affaires sérieuses. Pourtant, le vent semble tourner. Et voilà que la gentillesse s’invite en entreprise, non plus comme un supplément d’âme, mais comme un levier d’efficacité. A tous les étages.

 

Pourquoi la gentillesse dérange encore

Soyons honnêtes : dans beaucoup d’entreprises, la gentillesse reste suspecte. On y voit une faiblesse, une incapacité à trancher. Les managers « gentils » sont vite étiquetés comme des mous, trop tendres pour affronter les requins du business. Cette vision archaïque persiste parce qu’on confond encore autorité et brutalité. Comme si décider exigeait forcément d’écraser. Quel manager ne s’est pas entendu dire qu’il devait muscler son assertivité, voire être moins consensuel.

Mais la réalité est plus nuancée. Être gentil n’empêche pas d’être lucide. C’est même parfois la preuve d’une vraie force intérieure. Car dire non calmement, écouter sans céder, poser des limites sans humilier… demande infiniment plus de maîtrise que de hausser le ton. Le problème n’est pas la gentillesse. C’est l’incapacité à en voir la puissance.

Tiens on le répète pour mieux s’en imprégner.  ‘’Le problème n’est pas la gentillesse. C’est l’incapacité à en voir la puissance. ‘’

 

Ce que la recherche dit de la gentillesse

La psychologie organisationnelle est claire : les collaborateurs respectés s’engagent davantage que les collaborateurs terrorisés. On peut toujours tenter de manager par la peur, mais ça marche comme un café très serré : effet rapide, chute brutale. À long terme, le respect gagne toujours. Et à la fin c’est connu, on ne quitte jamais une entreprise, toujours un manager.

Le philosophe Emmanuel Jaffelin distingue bien la gentillesse de la bienveillance. La première est horizontale, une relation d’égal à égal. La seconde reste verticale, teintée de paternalisme. Traduction : un manager gentil n’infantilise pas. Il écoute, prend en compte, tout en assumant sa décision finale.

Des entreprises testent déjà ce modèle. Dans certaines start-up, la culture du feedback impose de dire les choses franchement, mais sans écraser. Dans des grands groupes, on organise des formations à l’écoute active. Parce qu’étonnamment, écouter vraiment est devenu une compétence rare. Bref un concentré de Soft Skills.

 

Le contrepoint : quand la gentillesse devient un piège

Mais attention : la gentillesse peut virer à la caricature. Trop de souplesse peut paralyser une équipe. Certains collaborateurs profitent vite d’un manager gentil pour repousser les limites et esquiver leurs responsabilités.

Et il y a pire : la gentillesse instrumentalisée. Ce vernis faussement doux, affiché par des dirigeants qui continuent de prendre des décisions brutales en coulisses. Cette hypocrisie est redoutable, car elle détruit la confiance. Les employés ne s’y trompent pas : une gentillesse forcée sent la manipulation à plein nez. Donc c’est plus compliqué : gentil et gentil sincère ce n’est pas pareil…

La clé, ce n’est donc pas la gentillesse béate. C’est la gentillesse ferme. Celle qui accueille sans se laisser rouler, qui pose des limites sans hurler, qui reste humaine mais claire.

 

Le paradoxe : la gentillesse ne marche que si elle est sincère

Voici le nœud du problème : si la gentillesse est utilisée comme outil de productivité, elle devient contre-productive. On ne peut pas dire à ses équipes « soyez rassurés, je vous respecte… parce que ça améliore le ROI ». Le calcul se voit, et il annule l’effet.

La gentillesse n’est efficace que lorsqu’elle est sincère. C’est un paradoxe cruel pour les entreprises obsédées par les indicateurs : plus on cherche à rentabiliser la gentillesse, moins elle marche. Elle ne se décrète pas dans un plan stratégique. Elle s’incarne au quotidien : remercier, expliquer, reconnaître ses erreurs, assumer ses décisions. Mais rester exigeant.

 

Vers une nouvelle intelligence relationnelle

Car au fond, le vrai enjeu n’est pas d’opposer gentillesse et fermeté, mais de les réconcilier. Un bon manager peut être exigeant sans être brutal. Il peut viser la performance sans transformer son équipe en champ de bataille.

Ce modèle a un atout : il colle aux attentes des nouvelles générations. Les jeunes talents ne veulent plus bosser pour des tyrans mal déguisés. Ils cherchent des environnements où l’on peut grandir sans se faire broyer. Apprendre. Sans la boule au ventre.

La gentillesse, dans ce sens, n’est pas une faiblesse mais une intelligence relationnelle. Une ressource rare et précieuse, capable de transformer des équipes. Et si la revanche des gentils n’était pas une utopie… mais la prochaine étape logique de l’entreprise ?

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