Vous regardez le passé ou l’avenir ?

30 sept. 2025
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Recruter l’avenir, pas seulement le passé

Le rituel est connu : un recruteur ouvre un fichier, parcourt quelques lignes, diplôme, dernière expérience, et balaie d’un œil distrait les dates et les loisirs, et décide en quelques secondes si un candidat mérite d’être entendu. Tout commence, et souvent se termine, par un CV. Comme si l’essence d’une personne tenait dans un résumé de cases cochées.

Pourtant, le travail change plus vite que les lignes de ce papier. Les métiers qui émergent aujourd’hui n’existaient pas il y a dix ans. Les compétences techniques s’usent, se remplacent, s’actualisent sans cesse. Ce qui reste, ce qui fait vraiment la différence et le fera de plus en plus, ce sont les qualités humaines : l’adaptabilité, la curiosité, l’écoute, la capacité à apprendre. Autrement dit, ce que l’on appelle les soft skills.

 

Pourquoi le CV ne dit pas tout

Le CV a un avantage indéniable : il donne des repères, ou plutôt un point d’ancrage. Un diplôme peut rassurer sur le niveau de connaissance, une expérience passée peut illustrer un savoir-faire. Mais il ne raconte rien de la capacité d’un individu à affronter l’inconnu.

Un jeune diplômé sans expérience est-il forcément moins prometteur qu’un cadre aux quinze années bien rangées ? Pas toujours. Un autodidacte qui a appris seul la programmation peut parfois dépasser un ingénieur formé selon les standards classiques. Une mère en reconversion peut apporter une résilience, résistance au stress et une gestion du temps que n’enseigne aucune école. Pourtant, ces profils atypiques sont souvent écartés avant même d’avoir pu convaincre.

Le CV est un filtre, mais c’est aussi une barrière. Il réduit la personne à son passé, alors même que l’enjeu d’un recrutement est l’avenir.

 

L’argument de la prudence

Bien sûr, il serait naïf d’enterrer le CV. Les recruteurs ne choisissent pas dans l’absolu : ils doivent gérer des volumes, sécuriser leurs décisions et éviter des erreurs coûteuses. Un diplôme ou une certification, surtout dans des métiers réglementés comme la santé ou le droit, n’est pas une option.

Le problème n’est donc pas l’existence du CV, mais son monopole. Quand il devient l’unique critère, il enferme le recrutement dans une logique défensive : ne surtout pas prendre de risque. On recrute alors des clones rassurants plutôt que des talents émergents. On reproduit le passé au lieu de préparer le futur.

 

Le paradoxe des entreprises modernes

Ironie du sort : les entreprises n’ont jamais autant réclamé d’agilité, de pensée critique, d’innovation. Elles demandent aux candidats d’être adaptables, créatifs, capables de travailler en équipe dans un monde incertain. Mais quand vient le moment de sélectionner, elles se réfugient derrière les diplômes et les dates.

On célèbre la diversité… mais seulement si elle coche les bonnes cases. On clame l’importance des soft skills… mais on ne sait pas vraiment les mesurer. Ce paradoxe nourrit une forme d’incohérence : l’avenir que l’on dit vouloir construire est filtré par les outils du passé.

 

Et si on regardait autrement ?

Il existe d’autres façons de lire un profil. Les entretiens collectifs, les mises en situation, les tests de personnalité, les évaluations croisées par les pairs… Tous ces outils existent et permettent d’apercevoir autre chose que la ligne d’un CV.

On peut demander à l’entourage d’un candidat ce qu’il retient de lui : sa capacité à fédérer, son empathie, son sens du détail. On peut observer sa manière d’apprendre quelque chose de nouveau, sa réaction face à l’imprévu. Ce n’est pas de la magie, c’est une autre façon de prendre une décision.

Cela demande du temps, une culture du recrutement différente, peut-être plus courageuse. Mais c’est le prix à payer si l’on veut vraiment recruter des humains en mouvement, et non des archives figées.

 

Vers un recrutement plus juste

Recruter sur le potentiel ne veut pas dire ignorer le passé. Cela veut dire élargir la perspective. Intégrer la capacité d’évolution comme un critère à part entière. Considérer qu’un parcours atypique n’est pas un défaut, mais une richesse.

Dans un monde où les compétences techniques vieillissent aussi vite que les logiciels, la meilleure garantie de performance, c’est la capacité à se transformer. Et cela, aucun CV ne peut le dire à lui seul.

Le jour où les entreprises accepteront de regarder les candidats pour ce qu’ils peuvent devenir plutôt que pour ce qu’ils ont déjà fait, elles recruteront enfin avec le futur en tête.

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